Dossier « Metallica: Through The Never »
Le groupe de la Baie de San Francisco a toujours su s'adapter avec plus ou moins de retard et surtout innover dans de nombreux domaines. En 2013 c'est le domaine cinématographique, cher à Lars Ulrich, qui est à l'honneur. Après le documentaire « Some Kind Of Monster » réalisé par Joe Berlinger et Bruce Sinofsky en 2004 qui avait surpris plus d'un, par un regard unique sur fond de thérapie de groupe et conflit d'égo suralimenté, le groupe s'attaque cette fois à une réelle nouveauté stylistique. Allier dans un même projet, captation d'un concert et intégration d'une narration fantastique voir apocalyptique avec l'apparition d'un personnage principal.
La genèse:
Evoqué dès 2011 dans les colonnes du magazine américain Rolling Stone, un partenariat avec la société de distribution Picturehouse avait été formellement démenti par le groupe via un communiqué sur le site avant d'être officiellement confirmé quelques mois plus tard. Telle une véritable société multinationale, le groupe a toujours souhaité garder le secret de ses projets vraisemblablement pour en avoir la primeur. Ce film est inédit par sa conception mais révêle une véritable volonté notamment de Lars Ulrich tel un véritable ordonnateur. Le groupe a depuis quelques années commercialisé de nombreuses captations live de leur dernières performances principalement dans le cadre du World Magnetic Tour et notamment au Mexique, en France, au Québec ou encore dans le cadre de leur festival Orion Music & More. C'est justement dans le cadre de ce festival également inédit que l'on peut s'apercevoir qu'il s'agit en réalité d'un aboutissement naturel. En effet, ce festival créé et organisé chaque année par la formation met en évidence les centres d'intérêt de chacun des membres en y exposant des stands à leur image. Ainsi le danois a présenté un stand exclusivement dédié à sa passion pour le cinéma au même titre que Kirk Hammett et ses illustrations des films d'horreurs. C'est donc l'alliance de ces deux points qui sont au final réunis dans ce projet cinématographique.
Comme l'a de nombreuses fois rappelé le danois, ce projet a été durant plus de deux ans la priorité du groupe au détriment de la conception du successeur de l'album « Death Magnetic »: « Nous devons faire ce film en 3D et nous allons revenir à l'écriture lorsque nous aurons fait ce film. Je dirais d'ici 2013/2014 tôt ou tard. Il est difficile d'imaginer… Je pense que même la fin 2013 est peut-être un peu optimiste. Je dirais, j'espère, que nous pourrons obtenir l'enregistrement du nouvel album de manière réaliste dans environ un an et demi à partir de maintenant, alors peut-être au début 2014. » (interview radio canadienne 2012)
Associé à Nimrod Antal dans la réalisation de ce film (Predators, The Amazing Spider-Man 2 et 3), le groupe a produit l'ensemble de ce projet avec ses fonds propres. Ainsi le budget qui lui est alloué s'élève à plus de 36 millions de dollars.
Synopsis du film:
« Metallica: Through The Never » met en scène un jeune membre de l'équipe technique du groupe interprété par Dane DeHaan (Chronicle, The Amazing Spider-Man 2 et 3) qui doit remplir une mission urgente alors que les Mets' assurent un concert à guichets fermés devant une foule immense et au cours duquel son univers sera totalement chamboulé. Celui-ci se retrouve en effet malgré-lui confronté à des émeutes urbaines dans un univers véritablement apocalyptique. Affrontements épiques entre force de l'ordre et émeutiers avident de violence sont au programme de cette fiction durant lesquels le héro fera également face à un mystérieux cavalier.
La performance scénique du groupe est aussi largement à l'honneur et représente une grande part dans ce film. Entre éloge artistique et florilège d'effets scéniques, le spectateur sera littéralement au coeur de ce show grâce à l'exploitation de la 3D.
L'analyse du film:
Ce nouveau concept de film alliant concert et fiction mis en avant par le groupe durant le marathon promotionnel en Amérique du Nord et en Europe quelques jours avant sa projection dans les salles obscures semblait très prometteur comme en témoigne la très alléchante bande-annonce. On pouvait alors s'attendre à une judicieuse combinaison, un juste équilibre avec une narration apocalyptique mise au même plan que le concert. Il n'en ai rien, bien au contraire, il s'agit bien d'une captation live presque « classique ». Même si le choix des chansons sélectionnées pour ce film ne souffre de quasiment aucune critique, il est très regrettable d'y avoir incorporer une aussi faible proportion de scènes d'action. Il vous suffira juste de visionner la bande d'annonce pour les découvrir presque entièrement dans leur intégralité. C'est la principale déception de « Through The Never » dont le démarrage est très poussif et manque véritablement de dynamisme. L'absence de dialogue, la faiblesse du scénario et son manque cruel de cohérence est aussi à soulever notamment entre certaines scènes où le héro se retrouve soudainement sur le toit d'un immeuble en brandissant un marteau digne du dieu Thor après s'être immolé par le feu quelques secondes auparavant devant une horde d'émeutiers. On aurait également pu s'attendre à un duel épique avec le cavalier mais celui-ci tourne très rapidement court. La majorité des spectateurs aura été très certainement déçue, peut-être même exaspérée par ce magistral pied de nez ou hold-up avec la mise en scène de ce fameux sac tant convoité par le groupe dont on ne connaîtra jamais sa contenance après nous avoir fait miroiter à deux reprises. L'exploitation de la technologie 3D n'était au final pas indispensable et aurait pris un véritable sens avec l'abondance de réelles scènes d'action.
Il faut cependant relativiser cette analyse grâce à la prestation millimétrée du quatuor et aux multiples effets de scènes aussi nombreux qu'impressionnants. La qualité sonore du concert est également irréprochable et la 3D permet d'obtenir de nouveaux angles de vue sans toutefois avoir la sensation de se retrouver littéralement au centre de la scène.
La conclusion:
La formation californienne a osé le pari d'associer à une performance scénique un scénario apocalyptique mais qui ne s'avère malheureusement pas être digne des standards hollywoodiens. Bien qu'il n'y ait peu de reproches à faire à la performance musicale et à sa mise en scène grâce à des effets de lumières et de décors impressionnants, le script de la narration paraît en revanche beaucoup moins abouti. Même si le film a fait l'objet d'une grande promotion internationale et assez étonnement en France avec la participation du groupe à l'émission "Le Grand Journal", le succès n'a pas réellement été au rendez-vous dans les salles obscures, la faute vraisemblablement à un scénario trop faible. Réservé avant tout à un public avisé et connaisseur, l'élargissement à de nouveaux spectateurs n'a pas réellement fonctionné.